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Les experts-comptables en Allemagne

Connaissez-vous les différences entre un expert-comptable français et allemand ? Expert-comptable ou “Steuerberater” en allemand est une profession bien particulière, à mi-chemin entre le comptable et l’avocat fiscaliste que nous connaissons en France.

Comme son nom l’indique, l’expert-comptable conseille les entreprises et les particuliers sur les choix économiques à réaliser, afin de payer légalement le moins d’impôts possibles. Pour ce faire, il traite et suit de près le patrimoine, c’est-à-dire l’ensemble des biens immobiliers professionnels et financiers de son client et opte pour la meilleure option fiscale, dans l’intérêt de ce dernier bien évidemment. L’expert-comptable agit en s’assurant que le client n’aura pas à subir un redressement fiscal lors de fusion d’entreprises, d’investissements ou d’implantations à l’étranger par exemple. Aussi, l’experts-comptable assure la comptabilité courante des entreprises et la gestion de paie de celles-ci.

Le métier d’expert-comptable en Allemagne (Steuerberater) est une profession libérale fournissant aux entreprises des prestations de conseil dans le domaine du droit fiscal et de la gestion d’entreprise. En Allemagne et en Autriche, la profession d’expert-comptable est gérée par un ordre professionnel et soumise à des règles particulièrement strictes. Le titre d’expert-comptable est protégé par la loi.

L’expert-comptable allemand exerce son activité à son compte et est donc un organe indépendant du système fiscal.

En Allemagne, la loi relative aux prestations de conseil en matière fiscale (Steuerberatergesetz – StBerG) et son décret d’application régissent de manière exhaustive le domaine d’activité et les conditions d’agrément des experts-comptables.

A. MISSION
En Allemagne, l’expert-comptable apporte son soutien en matière fiscale, a un rôle de représentation dans le cadre de procédures devant les juridictions fiscales et apporte des conseils en matière de gestion d’entreprise.

L’expert-comptable a pour mission principale de fournir des conseils en vue d’une optimisation fiscale, de préparer les documents comptables, les comptes annuels et les déclarations fiscales, d’examiner les avis d’imposition et de représenter les clients dans le cadre de contentieux avec l’administration fiscale et devant les tribunaux. En outre, l’expert-comptable allemand assure également la gestion complète de la comptabilité, souvent en utilisant le logiciel DATEV. Par ailleurs, ce sont les experts-comptables qui assurent la gestion de la paie, incluant l’établissement de fiches de paie, les déclarations de sécurité sociale et la correspondance avec les autorités fiscales et les organismes sociaux allemands.

En revanche, l’expert-comptable allemand ne peut fournir des conseils juridiques dans d’autres domaines du droit (réservés aux avocats) et contrôler les comptes annuels et les comptes consolidés (domaine réservé aux commissaires aux comptes).

Conseil en matière de déclaration fiscale

  • Comptabilité, en particulier pour les professionnels
  • Etablissement des bulletins de salaire pour les employeurs
  • Etablissement des comptes annuels pour les clients qui ont l’obligation de tenir une comptabilité de bilan (en général les sociétés de capitaux tels que SARL ou SA, soit GmbH et AG)
  • Etablissement du compte résultats pour les clients qui n’ont pas l’obligation de tenir une comptabilité de bilan
  • Etablissement de déclarations fiscales pour les entreprises
  • Etablissement de rapports explicatifs écrits sur les comptes annuels
  • Propositions de formulation concernant l’établissement de l’annexe ou du rapport de gestion pour les sociétés de capitaux

Conseil en matière d’application du droit fiscal

  • Examen de la conformité des avis d’imposition
  • Représentation auprès des autorités fiscales et douanières en Allemagne
  • Représentation dans le cadre de tout contentieux fiscal devant les tribunaux compétents en la matière (FG, tribunal du contentieux fiscal, et BFH, Cour fédérale des finances)
  • Représentation devant les juridictions de droit commun en droit pénal fiscal
  • Conseil et représentation dans le cadre de contrôles fiscaux et de procédures relatives à des amendes

Conseil en matière d’optimisation fiscale

  • Conseil en vue de minimiser la charge fiscale future
  • Conseil fiscal dans le cadre de créations d‘entreprises, de restructurations (droit fiscal applicable en cas de transformation, audit fiscal), du choix de la forme juridique d’une future entreprise, de décisions en matière de gestion du personnel et d’investissement
  • Conseil en matière de reprise d’entreprise
  • Conseil relatif à la règlementation douanière et à la législation en matière de droits d’accise

Conseil en matière de gestion d’entreprise

  • Comptabilité analytique, calculs et évaluation de la rentabilité, par ex. analyses des coûts, de la rentabilité et de la liquidité, contrôle de la comptabilité selon les directives nationales et internationales, le cas échéant contrôle financier externe
  • Conseil en matière de financement et de planification financière, d’approvisionnement et d’entreposage, de marketing et de vente, ainsi que d’utilisation de systèmes informatiques modernes
  • Conseil dans le cadre d’une demande de crédit, par ex. au moyen d’une analyse des revenus et de la situation financière, du bilan, du compte de résultat et, en procédant, le cas échéant, à une notation financière
  • Conseil en matière d’organisation (p. ex. fonctionnement de l’entreprise et gestion, organisation de la comptabilité)

Audits volontaires

Réalisation d’audits volontaires, en particulier vérification des comptes au sein d’entreprises non soumises à une obligation légale de contrôle
Vérification de la régularité de la comptabilité, du bilan, du compte de résultat et, le cas échéant, de l’annexe et du rapport de gestion

B. RESPONSABILITÉ
L’expert-comptable allemand est tenu des fournir des conseils adéquats et complets. Il a notamment l’obligation de protéger son client le mieux possible et de lui permettre ainsi de préserver ses droits et intérêts afin d’éviter toute erreur.

Les experts-comptables et les mandataires en matière fiscale indépendants ainsi que les sociétés de conseil fiscal doivent être convenablement assurés contre les risques de responsabilité civile en rapport avec leur activité professionnelle. L’assurance doit couvrir les prestations d’assistance en matière fiscale mentionnées dans la loi allemande relative aux prestations de conseil en matière fiscale.

La somme minimale assurée doit s’élever à au moins 250.000 euros par sinistre. Si une prestation annuelle maximale est convenue pour tous les dommages causés au cours d’une année d’assurance, elle doit s’élever à au moins 1.000.000 EUR. Dans les cas où la responsabilité est limitée par des conditions générales de mandat, le plafond assuré doit correspondre à quatre fois la somme minimum légale assurée.

Dans de nombreux cas, la somme minimale assurée ne sera pas suffisante et ne correspondra pas aux risques réels. Lors du choix de la somme assurée, il convient donc de tenir compte de la structure du cabinet, en particulier de la nature, de l’objet et du nombre de mandats confiés ainsi que du nombre de collaborateurs et leurs qualifications.

La nomination en tant qu’expert-comptable entraîne à elle seule l’obligation pour celui-ci de souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle. Cette obligation demeure également lorsque l’activité n’est pas exercée pendant un certain temps. Seuls les experts-comptables salariés ne sont pas tenus de s’assurer s’ils sont couverts par l’assurance responsabilité civile de leur employeur. L’absence de maintien d’une assurance responsabilité civile constitue un motif impératif de retrait de la nomination.

C. HONORAIRES
Les honoraires des experts-comptables en Allemagne sont calculés conformément au règlement sur les honoraires des experts-comptables. Dans de nombreux cas, s’agissant notamment des entrepreneurs, la rémunération est également calculée sur la base de taux horaires.

D. COOPÉRATION PROFESSIONNELLE
En Allemagne, la profession d’expert-comptable peut être exercée à titre individuel ou par plusieurs experts-comptables regroupés sous la forme d’une société de capitaux (notamment une société à responsabilité limitée ou une société anonyme) (société de conseil fiscal). Le directoire ou la gérance ainsi que les actionnaires ou associés doivent compter une majorité d’experts-comptables.

Le regroupement de plusieurs experts-comptables fournissant des prestations d’assistance en matière fiscale peut également revêtir les formes suivantes :

  • cabinet en tant que société civile (Sozietät)
  • société civile professionnelle (Partnerschaftsgesellschaft)
  • société civile professionnelle à responsabilité professionnelle limitée (Partnerschaftsgesellschaft mit beschränkter Berufshaftung)
  • association de professionnels indépendants (Bürogemeinschaft)
  • société en commandite simple (une société en commandite dont l’associé commandité est une société à responsabilité limitée (GmbH & Co.KG) est également possible, mais seulement si la majorité des activités sont exercées à titre fiduciaire
  • société en nom collectif (offene Handelsgesellschaft).

Dans ce cadre, les experts-comptables peuvent également collaborer avec des professions pouvant être exercées en cabinet (en particulier des commissaires aux comptes et des avocats). S’agissant des sociétés de conseil fiscal, le nombre de personnes ne portant pas le titre d’expert-comptable ne peut pas être supérieur au nombre d’experts-comptables, que ce soit au niveau des associés ou au niveau de la direction de la société.

E. L’ACCÈS À LA PROFESSION
Pour devenir expert-comptable en Allemagne, il y a deux options : faire des études ou une formation (« Ausbildung » en allemand). Ce qui différencie le parcours d’études de celui de la formation professionnelle est notamment le nombre d’années d’expérience professionnelle requises avant de pouvoir passer l’examen d’expert-comptable. Si on opte pour une formation, il faut avoir au minimum dix ans d’expérience professionnelle pour être admis à l’examen d’expert-comptable. Celle-ci peut être ramenée à sept ans par une formation complémentaire en tant que spécialiste fiscal. En revanche, dans le cas d’études supérieures d’expert-comptable d’une durée de trois ans, il ne faudra que trois ans d’expérience professionnelle, et deux ans seulement dans le cas d’études supérieures de quatre ans. Ces études se font généralement dans le domaine du droit, de l’économie, de la finance, de la comptabilité ou encore dans la gestion des affaires.

L’examen d’expert-comptable est considéré comme l’un des examens les plus difficiles en Allemagne. En moyenne, environ la moitié des candidats échouent à l’examen. Par rapport au nombre de candidats admis à l’examen, seulement 40 % environ réussissent.

Les Ordres des experts-comptables, qui organisent l’examen écrit en collaboration avec les administrations fiscales des Länder, ont des exigences élevées justifiant ce taux d’échec ; ils estiment qu’un expert-comptable a de lourdes responsabilités et que les critères de sélection des candidats doivent donc être particulièrement stricts.

L’examen d’expert-comptable se compose d’une partie écrite comprenant trois épreuves et d’une partie orale. Il porte sur les matières suivantes définies au § 37, al. 3 StBerG :

  • contentieux fiscal/procédure fiscale,
  • impôts sur le revenu et les bénéfices,
  • législation en matière d’évaluation fiscale des biens, droits de succession et impôts fonciers,
  • accises et impôts réels, principes de la législation douanière
  • droit commercial ainsi que les grandes lignes du droit civil, du droit des sociétés, du droit des procédures collectives et du droit européen,
  • gestion d’entreprise et comptabilité,
  • économie nationale,
  • règles régissant la profession/déontologie.

Sont admis à passer l’examen les candidats ayant obtenu un diplôme universitaire en économie ou en droit ou disposant d’au moins dix ans d’expérience dans le domaine fiscal après l’achèvement d’une formation (apprentissage) commerciale. Les candidats ayant obtenu un diplôme supplémentaire de comptable ou d’expert fiscal doivent disposer d’au moins sept ans d’expérience. En outre, un poste de haut fonctionnaire au sein de l’administration fiscale est un critère de qualification supplémentaire si le candidat dispose d’au moins sept ans d’expérience dans le domaine fiscal.

Les experts-comptables peuvent également suivre une formation supplémentaire pour devenir experts en droit fiscal international et experts en matière douanière et d’accises. Ils ont en outre la possibilité de se spécialiser dans d’autres domaines, les titres correspondants se distinguant toutefois du titre d’expert-comptable, car ils n’impliquent pas des compétences fiscales, mais plutôt des compétences en gestion d’entreprise et en droit.

En France, un bac+5 avec spécialisation en droit fiscal est requis et une double compétence en commerce/droit est un plus très apprécié si on veut devenir expert-comptable. Il est possible d’entamer ces formations dans la majorité des universités françaises, souvent après une classe préparatoire et un concours d’entrée, ou alors avec une licence qui donne également accès au concours.

F. ÉVOLUTION AU COURS DE LA CARRIÈRE D’EXPERT-COMPTABLE
Pour les experts comptables en Allemagne, la formation continue constitue un élément essentiel de leur travail. Si l’actualité, ainsi que l’évolution du droit des affaires et du droit fiscal n’est pas suivi de près, il est impossible de conseiller au mieux la clientèle de façon professionnelle. En plus des ouvrages dédiés à la fiscalité, il existe de nombreuses formations pour expert-comptable, souvent proposées par les chambres des experts-comptables allemandes (« Steuerberaterkammern »), des prestataires privés ou aussi par des fabricants de logiciels spécialisés dans le conseil fiscal et l’audit. De même, il existe aussi de multiples formations internes, payées par l’entreprise.

En Allemagne, la première étape de la carrière d’expert-comptable est celle de Senior Tax Consultant, accessible par la réussite de l’examen d’expert-comptable et quelques années d’expérience professionnelle. En tant que Senior Tax Consultant il est possible de diriger une équipe et/ou des projets, ainsi que de s’occuper des clients, et ce, de façon autonome. Il est également possible de participer à la planification de projets sous la direction des cadres supérieurs. Ce titre, souvent offert dans des grandes sociétés de conseil ou d’audit, accorde donc davantage de responsabilités, tant pour le personnel dirigé par celui-ci que dans le travail au quotidien.

Après environ 5 ans d’expérience professionnelle, s’ouvre la possibilité d’accéder au poste de manager. L’éventail de clientèle continuera de croître et il est possible d’obtenir la qualité d’expert et de superviser plusieurs projets se déroulant parallèlement. Ensuite, il est possible de passer de manager à senior manager, ce qui octroie encore plus de libertés d’action.

La prochaine étape est celle d’associé (Partner en allemand), promotion qui couronne la carrière d’expert-comptable. En règle générale, il est possible de devenir associé en progressant pas à pas dans une entreprise, afin de gagner en réputation et en confiance auprès des supérieurs. A ce titre d’associé, s’ajoutent de nouvelles tâches, telles que la planification stratégique, la responsabilité de la gestion, l’assurance de qualité ou encore la relation client.

Et au-delà des différentes étapes du métier d’expert-comptable, quelles sont les options ?
En Allemagne, après être ce que l’on appelle « expert-comptable fini », c’est-à-dire après avoir passé l’examen et acquis une expérience professionnelle précieuse, il y a la possibilité de devenir comptable agréé/auditeur (Wirtschaftsprüfer – correspondant au commissaire aux comptes en France). En réalité, il ne manque pas de possibilités de formations supérieures et de chemins professionnels. Après une formation ou des études d’expert-comptable, il est possible de devenir notaire, « controller », expert-comptable, etc. Pour changer davantage du travail d’expert-comptable, il est possible, en France tout comme en Allemagne, de devenir avocat fiscaliste. En France il faudra passer le CAPA (Certificat d’Aptitude à la Pratique d’Avocat), ce qui permet, en plus de le conseiller, de défendre le client et ainsi d’augmenter les responsabilités et avoir environ 8 ans d’expérience professionnelle, à condition d’avoir travaillé dans le service juridique d’une entreprise ou d’une administration. En Allemagne en revanche, il est nécessaire d’avoir une double-qualification, c’est-à-dire qu’il faudra des études complètes en droit, ainsi que la réussite des deux examens d’Etat (1. et 2. Staatsexamen) .

Sources :

https://www.beruf-steuerberater.de/berufsziel-steuerberatung/#perspektiven

https://www.regionsjob.com/observatoire-metiers/fiche/fiscaliste

https://www.wallstreet-online.de/ratgeber/finanzen-steuern-versicherung/steuern/tipps-und-wissenswertes/steuern-in-frankreich-und-deutschland-im-vergleich